difficultés-comprehension-parole-bruit-audiometrie-vocale

Nous l’avions évoqué précédemment, le problème de compréhension de la parole dans un environnement bruyant est un des problèmes majeurs chez les sujets atteints de surdité et particulièrement chez les sujets présentant une presbyacousie. Depuis des années, la recherche d’algorithmes de réduction du bruit est au centre des travaux réalisés sur le plan théorique et expérimental, par des professionnels de cette discipline mais également des spécialistes de la phonation et de la psychoacoustique, avec le but de développer les performances des appareils auditifs sur ce sujet.

Les premières tentatives de mesurer l’intelligibilité de la parole remonte à 1910, lorsque Campbell entrepris d’évaluer la qualité de transmission des lignes téléphoniques avec des syllabes sans signification. Fletcher et Steinberg (1929) utilisèrent des mots et des phrases dans le même but, mais ils évoquèrent l’utilisation possible de ce type de test pour mesurer l’effet du handicap auditif sur la perception de la parole. À la suite de la seconde guerre mondiale, les laboratoires de la compagnie « Bell téléphone », le laboratoire de psychoacoustique de l’Université de Harvard, le « Central Institute for the Deaf » élaborèrent une batterie de tests à l’usage de l’audiologie, comportant des listes de syllabes sans significations, des listes de mots monosyllabiques phonétiquement équilibrés, des listes spondées et des listes de phrases. L’audiométrie vocale est l’étude de l’intelligibilité de la parole et le contrôle de l’efficacité d’une prothèse auditive, sur le plan quantitatif par l’évaluation du gain prothétique et sur le plan qualitatif, par la mesure des distorsions auditives. Plus simplement, l’audiométrie vocale est une technique utilisée pour mesurer la capacité d’une personne à entendre et surtout à comprendre le langage parlé. Elle consiste en une série d’examens auditifs qui permettent de déterminer le niveau maximum de bruit pour lequel une personne peut comprendre une conversation. L’audiométrie vocale est généralement utilisée par un médecin ORL (le testeur) pour évaluer les troubles auditifs, tels que pathologie sévère ou presbyacousie (particulièrement). Elle permet d’établir un plan d’actions appropriées visant surtout à calibrer les appareils auditifs et en évaluer l’efficacité dans leur rôle de correction de l’audition.

Quand la lecture labiale ne suffit plus

Définissons tout de suite certains termes pour une meilleure compréhension de la suite de l’article :

  • Intelligibilité : niveau de netteté avec lequel un item est compris par un auditeur standard ;
  • Indice d’articulation : pourcentage de répétitivité de syllabes sans signification sur une échelle performance-intensité ;
  • Discrimination : capacité de différencier des phonèmes ou des mots comme étant identiques ou différents ;
  • Identification (ou reconnaissance) : capacité à répéter un phonème ou un mot particulier.

Étapes générales d’une procédure de test d’audiométrie vocale

Les tests peuvent se dérouler en monocabine ou en double cabine et on peut émettre en direct ou avec un enregistrement. Ils s’effectuent dans une cabine audiométrique insonorisée, au casque oreilles séparées avec assourdissement si cela est nécessaire, ou en champ libre avec assourdissement pour la plus mauvaise oreille, avec ou sans lecture labiale. Pour permettre des comparaisons avec des tests futurs, il est indispensable de noter les conditions dans lesquelles le test est effectué et de les reproduire à chaque fois. De même, pour un maximum de fiabilité et afin d’éliminer les facteurs de variations dus à la voix du testeur, on pratique les tests en enregistrement. C’est au testeur de s’adapter au patient et de mettre en place les modalités de passation du test qui convienne le mieux à ce dernier. Tout comme le médecin ou le testeur choisira la vocale en fonction de l’âge du patient, de sa fatigue et de ce qu’il cherche à contrôler en termes auditifs.

Avant le test, le médecin ORL effectue un examen des oreilles pour s’assurer qu’elles sont propres et qu’aucun bouchon de cérumen ne viendra gêner la bonne compréhension des mots comme le bon déroulé de l’examen. Les appareils auditifs (si le patient est déjà appareillé) voire tous les bijoux sont retirés avant l’examen, de telle sorte que rien ne vienne interférer dans le bon déroulé de ce dernier.

Le professionnel de santé procède ensuite à la calibration de l’appareil, en ajustant le volume et la fréquence qui seront utilisés pour le test. Il explique la procédure au patient, afin que ce dernier puisse y participer activement, de manière éclairée.

Vient alors le test de reconnaissance des mots : le patient est invité à répéter un mot ou une phrase enregistrée. Le volume et la fréquence des sons sont graduellement réduits jusqu’à ce que le patient ne soit plus en mesure de comprendre ce qui est dit.

Le professionnel de santé procède ensuite au test de tonalité : le patient est alors invité à écouter une série de sons de différentes fréquences et à indiquer, par un signe convenu, chaque fois qu’il entend le son.

Les résultats sont ensuite synthétisés et analysés par le médecin qui constatera ou non la perte auditive et le besoin d’un appareillage auditif.

Intérêts du test d’audiométrie vocale

L’audiométrie vocale interroge le champ de la zone conversationnelle qui s’étend de la fréquence des 250Hz à celle des 4000Hz, avec un maximum d’utilisation des fréquences médianes 1000Hz et 2000Hz pour la langue française. Elle est fondée sur des données phonétiques et acoustiques : en effet, la parole est constituée de voyelles et de consonnes, soit 36 phonèmes. Pour l’audioprothésiste, l’intérêts des tests vocaux est de permettre une orientation prothétique :

  • Choix de l’oreille à appareiller,
  • Choix du type d’appareillage,
  • Comparaison entre 2 réglages,
  • Comparaison entre 2 possibilités d’appareillage auditif,
  • Contrôle de l’efficacité de l’appareillage auditif.

• Les consonnes

Les consonnes se définissent selon leur mode d’articulation et leur point d’articulation. Des phonèmes appartenant au même point d’articulation ne peuvent être différenciés par la lecture labiale ; ce sont des sosies labiaux. Ils se distinguent les uns des autres par leur voisement ou la nasalité et dans ce cas, l’audition est le seul recours du patient.

• Les voyelles

Les voyelles sont les éléments stables de la parole. Elles se définissent selon leur degré d’aperture de la bouche et antériorité ou postériorité de la langue. Soit le triangle acousticophonétique des voyelles, qui permet de mettre en évidence les confusions vocaliques possibles.

• Plan acoustique

Sur le plan acoustique, les phonèmes du français peuvent être classés selon leur appartenance à 8 traits caractéristiques :

  • Le trait de nasalité,
  • Le trait vocalique ou non vocalique,
  • Le trait consonantique ou non consonantique,
  • Le trait continu ou discontinu,
  • Le trait aigu ou grave,
  • Le trait compact ou diffus,
  • Le trait bémolisé ou non bémolisé,
  • Le trait tendu ou lâche.

Mais c’est dans la continuité que se fait la parole et sa reconnaissance, ce qui a permis de mettre en évidence le rôle très important des transitions phonétiques, c’est-à-dire le passage articulatoire d’un point d’articulation au point d’articulation suivant. La transition phonétique rappelle le phonème précédent et annonce le phonème suivant, ce qui explique que certains déficients auditifs distinguent des phonèmes malgré l’amputation fréquentielle de leur audition.

Différents auteurs ont créé des tests vocaux à l’aide de listes de mots ou de logatomes en complément de l’audiométrie tonale. Il existe 2 grandes catégories de tests :

  • Les tests d’intelligibilité de J-E Fournier ;
  • Les tests phonétiques de J-C Lafon.

Présentation des différents tests d’audiométrie vocale

Ci-dessous, une présentation non exhaustive des différents tests d’audiométrie vocale utilisés. Les listes sont établies en respectant la fréquence d’utilisation des phonèmes de la langue française. Elles sont, pour certaines, phonétiquement équilibrées.

• Les tests d’intelligibilité de J-E Fournier

J-E Fournier a appliqué à la langue française les travaux des équipes américaines publiés dans les années 1945-50. Ses listes de mots, célèbres par leurs représentations en courbes sigmoïdes de la fonction performance-intensité, sont encore pratiquées quotidiennement en raison de la facilité d’analyse des résultats. Il s’agit des listes :

  • Monosyllabiques ;
  • Dissyllabiques : cette liste constitue le matériel phonétique employé dans la majorité des observations, soit 40 listes de 10 mots faisant partie du vocabulaire courant. Cette liste de mots est présentée au patient par listes de 10. À chaque niveau d’émission correspond un pourcentage d’identification globale : le seuil d’intelligibilité est le passage de la courbe sigmoïde par la ligne horizontale des 50% ;
  • De phrases (citées seulement).

La première liste de mots est passée à une intensité confortable, soit 15 à 20dB au-dessus du seuil tonal aérien et l’on recherche l’intelligibilité maximale soit 10 mots répétés sur 10 ; puis l’on descend de 5dB en 5 dB jusqu’à obtenir 0% de mots correctement répétés. On établit alors des courbes d’intelligibilité avec et sans appareil auditif.

Le bouchon

Souper

Rondin

Grumeau

Rebut

Glaçon

Réchaud

Coffret

Gamin

Clavier

Le râteau

Donjon

Sergent

Crémier

Niveau

Refrain

Veston

Forban

Bûcher

Cachot

Le congé

Tripot

Balai

Vallon

Saindoux

Brigand

Rouleau

Défi

Bambin

Secret

Le grillon

Terrain

Soulier

Gazon

Faisceau

Billet

Rabais

Plateau

Cordon

Ticket

Le pigeon

Carnet

Noyau

Jardin

Portrait

Blason

Salut

Délai

Sabot

Jumeau

Le repas

Complot

Savon

Curé

Sanglot

Poulet

Chainon

Sachet

Remous

Coquin

Le nougat

Devis

Baquet

Débris

Guichet

Bijou

Cahier

Goujon

Dessin

Coteau

Le poussin

Chevreau

Forfait

Mari

Bosquet

Garçon

Sifflet

Boitier

Cahot

Taudis

Le parfum

Cachet

Ravin

Dragon

Lilas

Récit

Couvent

Galon

Courier

Crapaud

Le rideau

Tampon

Boudin

Vacher

Débit

Marteau

Cadran

Requin

Goudron

Clocher

Le turbot

Hoquet

Plastron

Raisin

Croyant

Fourré

Taquin

Morceau

Normand

Poisson

Le carton

Pruneau

Regret

Dément

Répit

Colon

Respect

Bilan

Dépôt

Rachat

 

• Les tests phonétiques de J-P Dupret

Il s’agit :

  • Du test fréquentiel, soit 9 listes de logatomes ou mots sans signification, possédant un phonème que l’on teste dans une zone inférieure à 1500Hz ; dans une zone comprise entre 2000Hz et 4000Hz ; puis dans une zone supérieure à 4000Hz. Dans chaque mot, seul le phonème caractéristique est pris en compte, ce qui a pour intérêt d’explorer le lien entre audiométrie tonale et vocale ;
  • Du test de netteté.  Il reprend le principe du test cochléaire mais la suppléance mentale est supprimée, puisqu’il s’agit de logatomes.

Difficultés de compréhension de la parole dans le bruit, audiométrie vocale

• Le test de paires minimales de F. Fontanez et J-P Beraha

Les tests de reconnaissance phonémiques ont pour but d’isoler la perception d’un phonème particulier dans un mot monosyllabique et sont présentés en liste fermée. En France, c’est en 1971 que Rosi et Peckels présentèrent le test de diagnostic par paires minimales pour tester les vocodeurs. En 1975, Beraha et Fontanez adaptèrent le test à l’audiologie prothétique. Le principe du test d’identification par paires minimales repose sur la présentation en listes ouvertes de mots monosyllabiques de type C-V-C (Consonne-Voyelle-Consonne). Soit 12 listes de 10 paires de mots basés sur les confusions possibles entre phonèmes ne différant que par un trait distinctif ; c’est la perception de la consonne intermédiaire qui est étudiée.

• Le test phonétique V-C-C

Dans certains cas, la perte tonale, élective (encoche, pente ski-slope) ou légère est une gêne fonctionnelle pour la perception de la parole telle que les tests phonétiques utilisant des mots du lexique ne peut l’objectiver. Il est donc utile d’utiliser des tests de mots « sans signification ». Les phonéticiens travaillant dans le domaine du traitement du signal utilisent des outils depuis de nombreuses années. En 1978, J-P Beraha présentait les résultats d’une étude sur la hiérarchie des indices acoustico-phonétiques chez les déficients auditifs. Les signaux utilisés étaient générés par un synthétiseur vocal piloté par ordinateur. Les mots étaient des logatomes V-C-V, où V1 et V2 étaient la même voyelle. Les tests V-C-V ou Voyelle-Consonne-Voyelle du Pr Fourcin sont une liste de logatomes formés par une consonne que l’on teste encadrée par la même voyelle (exemples : AGA, AMA, ANA, APA, AZA, AVA, etc.), dont les résultats sont informatisés et permettent une lecture immédiate des confusions phonétiques. Ce test est pratiqué à un niveau supraliminaire pour le patient et peut être proposé aux étrangers et aux jeunes enfants. Il ne fait pas appel à la suppléance mentale. Il permet de mesurer la lecture labiale et d’en apprécier les progrès par la rééducation orthophonique.

 

 

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