Perte de l'audition, otite sero muqueuse chez l'enfant

Cet article s’inscrit dans la suite du dossier relatif aux surdités de transmission congénitales et acquises et vient en complément de l’article « L’otite chronique chez l’enfant : l’otite séro-muqueuse ».

L’otite chronique non cholestéatomateuse est une évolution de la pathologie inflammatoire de l’oreille moyenne chez l’enfant et notamment de l’otite séro-muqueuse. Cette évolution vers les différentes formes d’otite chronique en dehors du cholestéatome est multifactorielle et reste encore mal définie, elle touche toutefois un nombre restreint d’enfants compte tenu de l’importance de l’otite sero-muqueuse dans la population pédiatrique.

C’est l’otoscopie qui permet de faire le diagnostic, associée à l’imagerie par tomodensitométrie de l’oreille moyenne.

Dans ces formes d’otites chroniques, la surdité est presque toujours transmissionelle, la labyrinthisation étant l’apanage de certaines formes rares.

Perte de l'audition, otite sero muqueuse chez l'enfant

 

• L’otite chronique ouverte

Elle réalise la classique « oreille humide », associant otorrhée et perforation non marginale antéro-supérieure ou centrale réniforme laissant voir une muqueuse de fond de caisse inflammatoire. Il s’agit d’une maladie loco-régionale avec inflammation chronique de la muqueuse de l’oreille moyenne. La surdité de transmission varie de 30dB à 50dB, un début de labyrinthisation n’est visible que tardivement dans les formes évoluées et non traitées.

L’évolution se fait au gré des infections rhino-pharyngées et des conditions climatiques et saisonnières, entrainant poussées de réchauffement et otorrhée.

Non traitée, cette otite muqueuse ouverte va évoluer vers un agrandissement de la perforation tympanique qui peut devenir marginale avec les risques que cela comporte, elle peut aussi conduire à une ostéite à bas bruit.

La prise en charge de l’otite chronique ouverte est avant tout médicale. Le principe est d’obtenir l’assèchement de la perforation et parfois, sa fermeture, par la prise en charge des facteurs de dysfonction tubaire et des facteurs infectieux. Les causes d’obstruction naso-pharyngée sont parfois intriquées : végétations adénoïdes et/ou amygdales obstructives nécessitant une chirurgie, rhinite atopique à traiter médicalement avec corticothérapie locale nasale prolongée, antihistaminiques et éviction de l’allergène. Les causes infectieuses par contamination externe peuvent être prévenues par des mesures simples : bouchons de protection avec bandeaux spéciaux en cas de baignade ou shampoing, plus irritants que l’eau s’ils pénètrent dans l’oreille.

La prise en charge de tous ces facteurs de surinfection permet l’assèchement de la perforation qui devient alors une perforation séquellaire dont le traitement chirurgical peut être proposé après un certain délai, qui ne fait pas l’objet d’un consensus dans la littérature.

• L’otite ouverte séquellaire

Il s’agit de la forme terminale la plus favorable dans l’évolution des otites chroniques ouvertes. Il n’y a pas de lésions inflammatoires mais une ou plusieurs perforations tympaniques sans invagination épidermique.

Les perforations ont également fréquemment une part iatrogène, après pose d’aérateurs trans-tympaniques pour otite séro-muqueuse. Rarement, un épisode unique d’otite aigue particulièrement agressive peut être en cause. Des lésions ossiculaires peuvent être associées et peuvent concerner tous les éléments de la chaine avec un siège préférentiel sur la branche descendante de l’enclume.

Les perforations tympaniques comme toutes les otites chroniques sont particulièrement fréquentes sur les terrains malformatifs favorisant la dysfonction tubaire : fente vélo palatine, trisomie 21, retard psychomoteur, malformation cranio-faciale.

Les perforations peuvent survenir par le biais d’une poche de rétraction qui se perfore secondairement. Ces perforations sont souvent des otites chroniques dangereuses car les bords épidermiques sont invaginés dans l’oreille moyenne avec parfois un vrai cholestéatome associé. Dans ce cas particulier, le traitement est chirurgical sans attendre l’assèchement de la perforation et peut être comparé à la chirurgie du cholestéatome, souvent en deux temps opératoires en raison du risque de perle épidermique résiduelle derrière la greffe.

Sur le plan audiométrique, une perforation tympanique isolée (sans atteinte de la chaine ossiculaire) entraine en générale une surdité de transmission légère, de 20dB à 40dB et peut être responsable d’une gène sociale lorsqu’elle est bilatérale. En cas d’atteinte de la chaine ossiculaire (lyse ou tympanosclérose), la surdité peut être plus importante.

Le traitement de l’otite séquellaire est chirurgical une fois stabilisés tous les facteurs de surinfection. Le délai entre stabilisation et acte chirurgical ne fait pas l’objet de consensus dans la littérature.

L’étude multivariée menée à Trousseau sur 231 myringoplasties consécutives (Denoyelle 1999) montrait que l’âge de l’enfant, la taille et le siège de la perforation n’avait pas d’influence sur le risque de mauvais résultat post-opératoire. Mais l’état de la muqueuse de fnd de caisse tympanique et l’état de l’oreille controlatérale (otite séreuse, perforation tympanique, cholestéatome) étaient des facteurs de risques indépendants de mauvais résultats. Le plus important est probablement d’obtenir une perforation parfaitement sèche avec muqueuse de caisse fine et un délai d’un an, après la chute de l’aérateur trans-tympanique ou après la fin des épisodes infectieux, est admis par la majorité des otologistes pédiatriques. En pratique, les conditions satisfaisantes pour proposer la chirurgie sont le plus souvent obtenues vers 7 – 8 ans.

Des cas particuliers existent qui vont parfois imposer la fermeture tympanique alors que les conditions idéales ne sont pas réunies : c’est le cas des hypoacousies importantes liées à des perforations bilatérales continuant à présenter des épisodes infectieux ou avec une muqueuse de fond de caisse encore inflammatoire. L’appareillage auditif est souvent impossible car source d’otorrhée. On propose alors parfois de pratiquer une myringoplastie d’un côté et, en cas de récidive d’otite séreuse derrière la greffe, source d’hypoacousie notable, un appareillage pourra être mis en route cette fois sur un tympan fermé et une oreille séchée, souvent alors beaucoup mieux toléré.

Les techniques chirurgicales sont multiples et ne seront pas détaillées ici. La particularité de l’enfant est le risque de reprise évolutive de l’otite séro-muqueuse, d’où la nécessité d’être rigoureux sur l’indication de la chirurgie. La myringoplastie peut être proposée avec des résultats aussi bons que chez l’adulte, cependant l’utilisation de cartilage comme matériau de greffe est plus fréquente et les pansements utilisés doivent être indolores à l’extraction.

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• L’otite atélectasique et les poches de rétraction

L’otite atélectasique est une pathologie à la fois de l’adulte et de l’enfant, avec toutefois des différences dans leur modalité évolutive. Il s’agit d’une rétraction plus ou moins importante de la membrane tympanique (pars tensa ou flaccida), plus ou moins localisée (poche de rétraction), laissant aérée une partie de la caisse (à la différence de l’otite fibro adhésive), consécutive à l’évolution d’une otite séro-muqueuse chronique.

Chez l’adulte, la poche siège le plus souvent au niveau de la pars flaccida. Elle peut être stable et non desquamante, mais dans un certain nombre de cas, représenter un véritable état pré-cholestéatomateux.

Chez l’enfant, la poche siège plus souvent en postéro-supérieur (sous ligamentaire, pars tensa). Son potentiel évolutif est beaucoup plus important que chez l’adulte, avec une évolution vers le cholestéatome beaucoup plus fréquente et ce d’autant plus que l’enfant est jeune. Une poche devenant incontrôlable, desquamante ou otorrhéique traduit une évolution vers le cholestéatome et nécessite un traitement chirurgical.

Cette poche peut s’associer à une otite séro-muqueuse persistante. Il existe fréquemment une myringo-incudopexie et parfois déjà une lyse des structures ossiculaires (surtout branche descendante de l’enclume, voir superstructure de l’étrier).

Il existe une surdité de transmission sans parallélisme audio-clinique : une rétraction débutante peut s’accompagner d’un Rhinne de 40dB (notamment en cas d’otite séro-muqueuse associée) et une importante poche de rétraction avec myringo-incudopexie n’entrainer aucun déficit auditif. La rétraction tympanique n’altère que peu les capacités vibratoires du tympan et la myringo-incudopexie est souvent fonctionnelle.

Le potentiel évolutif élevé des poches de rétraction de l’enfant impose un traitement efficace précoce. La constatation d’une rétraction tympanique dans une otite séro-muqueuse est une des indications d’aérateur trans-tympanique. De même, une poche de rétraction devenue incontrôlable ou associée à une lyse ossiculaire avec déficit auditif peut bénéficier de la pose d’un aérateur trans-tympanique en pré-opératoire (T-Tube). Cette aération peut être suffisante dans un certain nombre de cas si on constate une disparition de la rétraction et une audition satisfaisante mais elle devra alors être prolongée.

Dans les autres cas, une tympanoplastie de renforcement s’impose avec contrôle complet de la poche de rétraction. Ce geste permet également le contrôle des éventuelles atteintes de la chaine ossiculaire. Le matériau préférentiellement utilisé dans cette indication est le cartilage. Il permet un renforcement tympanique aisé qui s’oppose bien à la rétraction tympanique et un rétablissement columellaire au contact de l’étrier. En cas de contrôle sans effraction de la totalité de la poche, un deuxième temps opératoire n’est pas nécessaire. Certains auteurs ont proposé la résection simple de la poche avec pose d’aérateur dans le même temps, mais cette technique reste peu utilisée (Blaney, 1999). Les poches de rétraction devenues otorrhéiques ou desquamantes traduisant un véritable état pré-cholestéatomateux doivent également bénéficier d’un traitement chirurgical. Celui-ci est plus proche de la prise en charge d’un véritable cholestéatome avec la nécessité souvent d’un traitement en deux temps.

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• L’otite fibro adhésive

Il s’agit d’une forme rare et malheureusement dramatique d’évolution des otites chroniques non cholestéatomateuses. Elle est plus fréquente à l’âge adulte mais chez l’enfant on peut constater de véritables otites fibro-adhésives ou des formes débutantes dans certaines otites atélectasiques.

Sa gravité est liée à son évolution inexorable une fois installée vers la labyrinthisation progressive, sans thérapeutiques envisageable (Tran Ba Huy, 1993).

Les lésions observées sont des zones inflammatoires très intenses avec disparition de l’épithélium muqueux de la membrane tympanique et du promontoire, et amincissement de la couche épidermique du tympan. Le tout abouti à un feutrage conjonctif épais symphysant la membrane tympanique au fond de caisse avec blocage ossiculaire.

L’otite fibro-adhésive semble donc constituer l’évolution ultime de certaines otites séro-muqueuses chroniques de l’enfance sans que l’on connaisse de facteurs prédictifs de cette évolution.

L’otoscopie permet presque à elle seule le diagnostic en retrouvant un tympan gris blanc, lardacé et épaissi, globalement rétracté.

Sur le plan audiométrique, la surdité est mixte, le déficit en conduction aérienne peut atteindre et dépasser 50dB, la conduction osseuse chute assez précocement sur les aigues, signant le retentissement sur l’oreille interne. Seul l’appareillage auditif semble être une prise en charge raisonnable de ce type de surdité.

 

Sources : Les monographies du CCA groupe, n°34, Surdité de l’enfant, édition 2003

Erea-Noël Garabédian, Françoise Denoyelle, René Dauman, Jean-Michel Triglia, Eric Truy, Natalie Loundon, Patrick Bouaziz, Jean de Lorenzi.

 

 

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