Pourquoi les appareils auditifs préréglés ne sont-ils pas pris en charge par la sécurité sociale et les mutuelles ?

Deux types d’appareils auditifs sont commercialisés aujourd’hui :

  • Les appareils vendus avec un service de suivi, exclusivement délivrés par les audioprothésistes, au terme d’un parcours long et réglementé. Très onéreuses, ces prothèses auditives sont principalement destinées aux personnes atteintes de handicap auditif (12% de la population de malentendants). Ces personnes ne peuvent en faire l’acquisition qu’après avoir consulté un médecin ORL. Bien souvent, la nécessité de cette consultation ORL se présente naturellement : lorsqu’un enfant ne parle pas, ne s’exprime pas, reste dans son coin voire accuse un retard scolaire, plusieurs médecins sont successivement consultés jusqu’à ce le handicap auditif soit décelé (source de soulagement pour les parents – et l’enfant – car on peut alors remédier au handicap avec des solutions adaptées) ;

Surdité profonde, problèmes d'audition et handicap auditif chez l'enfant : un véritable parcours du combattant

  • Les appareils auditifs vendus librement, sans prestation de suivi, à un prix tout à fait abordable, dont la technologie est similaire aux appareils précédemment cités. Ces appareils auditifs ont été spécialement conçus et pensés pour les personnes concernées par une presbyacousie (88% de la population malentendants), qui n’ont ni l’envie ni le besoin vital d’entrer dans un parcours long et réglementé au terme duquel elles présupposent déjà qu’elles seront réfractaires à dépenser plus de 3 000€ pour s’appareiller. À ce jour, 3 français presbyacousiques sur 4 refusent l’appareillage auditif vendu avec un service de suivi. Les raisons de ce refus sont bien connues : prix, esthétisme (80% des ventes de prothèses auditives sont des contours d’oreilles), complexité du parcours de soins et du dispositif auditif.

presbyacousie et déni, la perte auditive dans le regard de l'autre

Les points communs et les différences entre ces 2 types d’appareils auditifs ont fait l’objet d’un article que nous avions publié précédemment et que vous pouvez consulter ici.

Ces 2 types d’appareils auditifs ont également fait l’objet d’un essai clinique américain qui, en 2012, cherchait à savoir si le service de suivi (très onéreux puisqu’il représente 40% du montant total de la facture selon l’UFC Que Choisir) était une nécessité absolue, garante de la satisfaction et de l’appareillage des utilisateurs presbyacousiques : il en ressort que non, absolument pas. Rappelons (nous vous encourageons vivement à lire cet essai clinique) que l’essai conclut, concernant l’appareillage auditif vendu sans service de suivi :

  • Qu’il entraine, chez l’utilisateur, une satisfaction aussi grande que l’appareillage auditif vendu avec un service de suivi ;
  • Que les utilisateurs n’ont aucune difficulté à prendre en main et utiliser leurs prothèses auditives, qu’elles leur soient délivrées avec un suivi ou sans ;
  • Que 85% des utilisateurs ayant retourné leurs appareils auditifs à la fin de l’essai sont ceux ayant payé le prix fort (appareils vendus avec un service de suivi) ;
  • Qu’en conséquence, non seulement le suivi n’est pas indispensable mais, qu’en plus, il génère un coût total qui représente le principal frein à l’appareillage des personnes concernées.

2019 en France, citoyens, institutions, professionnels de santé :

  • Sont parfaitement informés du rejet massif de l’appareillage vendu avec une prestation de suivi ;
  • Des risques inhérents au refus de s’appareiller lorsque la gêne est là ;
  • Des bienfaits indiscutables (par ailleurs démontrés par les témoignages utilisateurs ainsi que l’essai clinique américain) de l’appareillage auditif préréglé vendu librement, sans prestation de suivi ;
  • Que l’appareillage auditif vendu sans prestation de suivi facilite et démocratise l’accès à des soins de santé fondamentaux, qui concernent plus de 6 millions de citoyens et dont le chiffre est croissant, dû au vieillissement de la population ;
  • Qu’il permet (et c’est le seul) d’agir en prévention puisque la moyenne d’âge des utilisateurs est de 60 ans (contre plus de 80 ans chez les audioprothésistes) !

Pourtant, seuls les appareils auditifs exclusivement délivrés par les audioprothésistes sont pris en charge par la Sécurité Sociale et les mutuelles. D’un point de vue médical, c’est une aberration. Du point de vue des français concernés, c’est une honte. Mais, bien malheureusement, pour l’État et les audioprothésistes, c’est une fabuleuse aubaine. Du coup, l’UNSAF pond de jolis communiqués pour rappeler que le métier d’audioprothésiste c’est avant tout un métier de « care » et qu’il faut « aider » les français et agir « en prévention ».

Amen.

Luis Godinho, président du syndicat national des audioprothésistes, l'UNSAF

La prise en charge par la sécurité sociale

La sécurité sociale ne prend en charge l’appareillage auditif que s’il est délivré par un audioprothésiste. En effet, selon le code de la sécurité sociale, pour qu’un appareil auditif soit pris en charge, il doit nécessairement :

  • Faire l’objet d’une prescription médicale,
  • Être vendu, de manière indissociable, avec un service de suivi sur 4 ans (durée qui correspond à la durée de vie de l’appareil auditif, au terme de laquelle l’utilisateur doit refaire le parcours de soins et renouveler l’achat de prothèses auditives). Pourtant, cette prestation estimée non indispensable par de nombreux professionnels de Santé, majore de 40% le coût total de la facture et constitue un frein majeur pour des millions de français.

Ainsi, l’appareillage auditif préréglé, qui ne nécessite ni prescription médicale, ni service de suivi, n’est pas pris en charge par la sécurité sociale et cela malgré le fait qu’il apporte une solution innovante, immédiate et idéale à un enjeu de santé publique : le rejet massif de l’appareillage traditionnel et les milliards d’euros générés annuellement par les conséquences induites du non appareillage (repli sur soi, isolement progressif, perte de confiance en soi, dépression, démence, dépendance).

La prise en charge de l’appareillage auditif délivré par un audioprothésiste varie en fonction de l’âge et du handicap de la personne appareillée.

Individus de moins de 20 ans et/ou en situation de handicap auditif

Depuis Janvier 2019, les personnes de moins de 20 ans et les personnes en situation de handicap auditif bénéficient d’une prise en charge à hauteur de 60% d’un plafond fixé à 1 400€, soit 840€ par appareil auditif.

Rappel :

Est considéré comme handicap auditif toute perte auditive supérieure à 70dB. Le handicap auditif regroupe la perte auditive sévère et la surdité profonde. La surdité profonde n’est pas appareillable. Les personnes en situation de handicap auditif utilisent la Langue des Signes et la lecture labiale. 90% d’entre elles sont appareillées, ce qui leur permet de se socialiser et de vivre normalement.

perte d'audition et monde moderne, prévention, action, santé

Individus de plus de 20 ans, non concernés par un handicap auditif

Les personnes de plus de 20 ans, non concernées par un handicap auditif, bénéficient d’une prise en charge à hauteur de 60% d’un plafond fixé à 300€, soit 180€ par appareil auditif.

Rappel :

3 sur 4 refusent de s’appareiller, le prix étant jugé exorbitant et les personnes concernées étant peu désireuses de porter un dispositif visible et complexe, obtenu au terme d’un parcours long et règlementé. Les presbyacousiques sont les seuls concernés par les risques du non appareillage auditif, dont les conséquences induites représentent quelques 2 milliards d’euros annuels à la sécurité sociale. C’est avec l’objectif d’appareiller 1 presbyacousique sur 2 que le Gouvernement a mis en place la réforme du RAC 0, dont le président de l’UNSAF (syndicat des audioprothésistes) a immédiatement annoncé « qu’elle ne concernerait que 20% à 30% des pertes auditives » (surprenant !)

Individus bénéficiant de la CMU (Couverture Maladie Universelle)

Les personnes bénéficiant de la CMU ont une prise en charge à 100%.

• La prestation de suivi : indispensable ?

L’essai clinique réalisé en 2012, qui compare objectivement appareil auditif vendu avec prestation de suivi (prix haut) et appareil auditif vendu sans pression de suivi (prix bas, appareil préréglé dont la technologie est comparable aux prothèses plus onéreuses) a démontré que la prestation de suivi n’est pas garante de la satisfaction de l’utilisateur et n’entraine pas un port plus régulier des appareils auditifs. Le coût de cette prestation, en revanche, constitue un frein à l’achat puisque 85% des personnes l’ayant payé ont rendu leurs appareils auditifs à la fin de l’étude.

Alors, indispensable, la prestation ? Il semblerait que, pour les personnes presbyacousiques, cette prestation ne soit pas indispensable et qu’un appareil préréglé vendu sans prestation génère une satisfaction comparable voire supérieure à des appareils plus onéreux vendus avec cette prestation. Pourquoi ? Car l’offre auditive préréglée, qualitative, répond à la demande et est donc, naturellement, mieux accueillie.

Le site de la sécurité sociale, ameli.fr, définit ainsi ce qu’est le suivi si onéreux :

  • Prise d’empreinte des conduits auditifsNous l’avions évoqué précédemment (ici): cette étape est aujourd’hui shuntée. Inutile pour les contours d’oreille (qui représentent 80% des ventes actuelles des audioprothésistes), elle est également inutile pour l’appareil auditif intra auriculaire de Siemens (plus ou moins 1 400€ par oreille), qui est en adaptation immédiate grâce à des embouts de tailles différentes (le système est similaire à celui de l’appareil auditif intra conduit préréglé Orison de chez SERINITI, vendu à 299€ / oreille mais l’adaptation immédiate a, pour Orison, du sens puisque l’appareil auditif est vendu sans service de suivi !) ;

Orison l'aide auditive des jeunes

  • Essais, contrôle et ajustement de l’appareil, qui, selon l’essai clinique de 2012, ne semble pas faire de différence pour l’utilisateur ;
  • Adaptation progressive du réglage : fondamentale dans le cas du handicap auditif mais frein à l’achat pour des personnes presbyacousiques ;
  • Explications d’entretien et de prise en main de l’appareil, qui, selon l’essai clinique de 2012, ne semble pas faire de différence pour l’utilisateur ;

Ce qui est regrettable c’est que ce suivi sur 4 ans ne prend pas en compte les éléments indispensables :

  • Achats des accessoires (piles, embouts, tubes) ;
  • Casses inévitables sur les appareils (un appareil auditif est petit, fragile, il subit toujours une casse, d’une manière ou d’une autre).

Un système à l’encontre du bon sens

Si, dans sa prise en charge, la sécurité sociale distingue handicap auditif et presbyacousie, c’est bien parce qu’il s’agit là de deux atteintes auditives très différentes. Alors qu’une personne en situation de handicap a besoin d’un réglage adapté et d’un suivi régulier, il n’en n’est rien pour une personne qui ne ressent qu’une simple gêne auditive. Le bon sens voudrait que, pour répondre à des besoins différents, l’offre soit différenciée :

  • D’une part, une offre très bien prise en charge, à destination des personnes en situation de handicap – qui n’ont pas le choix et doivent s’appareiller, avec un suivi dans le temps ;
  • D’autre part, un produit efficace et vendu sans prestation de suivi, à destination de la majorité qui la réclame. Cette dernière pourrait être prise en charge par la Sécurité Sociale à hauteur de ce qu’elle fait déjà, c’est à dire 180€. Si ce montant ne représente rien pour une prothèse traditionnelle, il représente 50% du prix de l’appareillage pour un appareil préréglé !

toutes les prothèses auditives préréglées se valent-elles ?

On peut légitimement se poser 3 questions :

  1. Soit la Sécurité Sociale (donc le Gouvernement) n’a aucun pouvoir de négociation auprès des syndicats d’audioprothésistes (dont le Président, Luis Godinho, est également membre – on le rappelle – du Haut Conseil pour l’Avenir de l’Assurance Maladie, du Haut Conseil de la Famille, de l’Enfance et de l’Age et de la Commission des Comptes de la Sécurité Sociale), ce qui expliquerait pourquoi la Loi Macron n’ait jamais été actée (d’autres scandales ont éclaté sur d’autres marchés et les agissements non éthiques n’étonnent, malheureusement plus personne) ;
  2. Soit que la Sécurité Sociale se moque complètement de dépenser encore plus (d’argent du contribuable) malgré son déficit actuel de plusieurs milliards d’euros, sans pour autant avoir, en contrepartie, la certitude que le taux d’appareillage national augmentera (c’est à dire qu’on cessera d’orienter préférentiellement les personnes concernées vers des contours d’oreille visibles avec des technologies onéreuses inutiles telles que le réducteur du bruit du vent et le micro multidirectionnel qui n’ont de sens que parce que le produit vendu est, justement, un contour d’oreille et non un intra auriculaire) ;
  3. Soit – pour finir, que le taux d’appareillage des français ne soit franchement pas le souci de la Sécurité Sociale.

En 2015 devait être acté la Loi Macron qui ambitionnait (en théorie) de modifier le code de la sécurité sociale afin que puisse être vendus séparément appareil auditif et prestation de suivi. Avec cette loi :

  • L’appareillage auditif préréglé aurait pu être pris en charge par la sécurité sociale,
  • Et les audioprothésistes auraient dû baisser leurs prix de vente immédiat de 40%.

On comprend aisément que cette proposition, ainsi qu’une autre, similaire, proposée lors de la réforme du RAC0, n’aient pas plu aux audioprothésistes. Et, pour aller plus loin, comme nous évoluons – depuis 2008 – dans un monde où la dette crée de la croissance, on peut même penser que ces propositions n’allait pas dans le sens du Gouvernement qui préférerait sans doute que la Sécu soit encore plus endettée (on en parlait ici).

Et les mutuelles, alors ?

« La mutuelle qui vous aime avec un grand M » ; « Entre nous c’est mutuel » ; « Jour après jour nous construisons la solidarité » ; « Mutuelle Agile et Innovante » ; « Une vraie mutuelle Seniors » ; « L’avenir est affaire de prévoyance » ; « La solidarité a un nouveau visage »

Qu’en est-il du côté des mutuelles qui, à grand renfort de slogans aspirationnels, rassurent leurs adhérents tout en s’évertuant à augmenter sans cesse leurs cotisations ? Et bien il ne se passe rien de plus.

Certaines prennent officieusement en charge les appareils auditifs préréglés, de 50% à 100%, sur simple présentation de la facture d’achat (aucune prescription médicale n’est exigée, dans ce cas, par la mutuelle). Se sont les plus honnêtes. Nous tâcherons de vous en fournir une liste complète sous peu.

D’autres ont une partie de leur capital détenu par des audioprothésistes : elles bottent en touche, préférant que le français – qui paie pourtant ses cotisations de plus en plus chères – se rende chez un audioprothésiste partenaire.

D’autres, enfin, expliquent qu’elles ne remboursent pas les produits qui ne sont pas pris en charge par la Sécurité Sociale (mais certaines d’entre elles se positionnent quand même sur l’homéopathie, par exemple). C’est un argument qui est compréhensible, car la mutuelle aurait alors à essuyer les fraudes, ce qui est normalement le travail de la Sécurité Sociale (la fraude estimée à la Sécurité Sociale est de 14 milliards d’euros, mais c’est un autre débat) .

Nous pensons qu’il est du devoir du français éclairé d’agir et, en tant que consommateur, le pouvoir est dans ses mains :

  • Privilégiez les sociétés qui agissent réellement en faveur de l’appareillage des français : les sociétés d’aides auditives préréglées. Ainsi, commencez par essayer un appareil auditif préréglé (lire notre article comparatif à ce sujet ici). Ces derniers sont tous « satisfait ou remboursé » ou en « essai gratuit », ce qui permet un test concret, peu cher, sans prise de risque. Souvent, le consommateur constatera que cet appareil lui convient parfaitement. Si toutefois cela n’était pas le cas, il retournera son appareil auditif et s’orientera vers une solution plus onéreuse ;
  • Envoyez toujours votre facture à votre mutuelle. Le nombre fait la différence. Plus les consommateurs exigeront de leur mutuelle – qu’ils paient – qu’elle prenne en charge ces solutions efficaces, plus il y a de chances qu’à terme, elles s’alignent et le fasse (cela est moins onéreux pour elles) ;
  • Parlez-en autour de vous : appareillez vos proches dans le besoin ; si votre mutuelle a pris en charge votre appareillage auditif préréglé, dites-le à vos amis, dites-le à la société à laquelle vous avez acheté votre appareil, qu’elle puisse cumuler les dossiers et agir, également, de son côté.

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